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[Dossier Superhéros] Deuxième partie, 1960-1980 : du règne des freaks aux stars de cinéma

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Ils squattent nos écrans depuis plusieurs années et promettent de le faire encore longtemps. C’est du moins le projet annoncé de DC Comics et Marvel qui se sont lancés dans une course à l’échalote du studio qui fournira le plus de reboot/remake/prequel/suites (rayer la mention inutile), pour le meilleur et parfois pour le pire.

Le superhéros est la figure cinématographique contemporaine ultime. D’où tire-t-il ses origines ? Comment a-t-il évolué à travers les âges et les époques ? L’époque façonne-t-elle nos superhéros ? Tentative de réponse avec Rafik Djoumi, rédacteur en chef du magazine des cultures geek, BiTS, diffusé sur Arte depuis maintenant plusieurs saisons.

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Petit récap de l’épisode précédent : héros d’une culture populaire éprise de littérature feuilletonnante, les superhéros vont s’épanouir à travers le Pulp et son pendant comic (book). Cette littérature va donner naissance à deux de ses héros les plus emblématiques, Batman et Superman, qui sans forcément le vouloir, vont incarner une certaine Amérique, celle dont veut se revendiquer le peuple américain. Puis la Seconde Guerre mondiale va tout bouleverser.

Batman V Superman : patriotisme contre vigilent

“Superman va commencer à devenir un peu plus engagé idéologiquement, avance Rafik Djoumi, il va suivre le gouvernement. Batman, lui, va rester une figure de la nuit, une figure de « vigilent » comme on dit, assez complexe, un truc spécifiquement américain aussi et qui a trait au mythe du lonesome cowboy : un type qui fait les choses seul, qui n’obéit à aucune loi sauf celles qu’il s’est lui-même données.

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Ces deux figures, un Batman ambivalent et un Superman ultra patriote, vont pas mal se développer dans les années 50. Avec le plan Marshall, ces BD vont arriver en Europe où la jeunesse, stupéfaite, va les découvrir et s’en emparer. On va même voir des gens assez célèbres vivre une sorte de double vie.

Lorsque cette littérature arrive en France, cela se fait sous le label de la littérature jeunesse. À son époque, déjà, la littérature populaire au XIXe siècle n’était pas très bien vue par la bourgeoisie, alors le comic book on n‘en parle même pas : c’est un truc pour les petits enfants idiots. Voir un adulte lire un comic book c’est juste aberrant. La plupart les liront en se cachant et le feront tellement bien pour certains, que les gens ignoreront leur gout pour le comic jusqu’à leur mort.

Des héros mythologiques

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Gérard Depardieu dans I want to go Home d’Alain Resnais

J’en veux pour preuve l’un des plus grands collectionneurs français dans les années 60, à l’origine du club de la bande dessinée, Alain Resnais, considéré à cette époque-là comme l’un des cinéastes français les plus intellos. Ça donne une idée de la réception difficile de ce genre-là.

Qu’est-ce qui avait fasciné Resnais dans ces personnages-là, outre le fait que c’est un amateur de BD en général ? C’est aussi, je pense (malheureusement, il n’est plus là pour en parler), l’incroyable puissance d’évocation de ces figures. On a beaucoup employé le terme mythologie pour parler des superhéros, mais en fait, cela n’a jamais été volontairement posé par les auteurs.

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Lorsque Jerry Siegel et Joe Shuster créent Superman, ils ne se disent pas : on va créer un mythe, on va s’inspirer d’Ulysse et d’Hercule, etc. Je pense que dès l’instant où tu cherches à parler à des gens qui n’ont pas de bagage culturel complexe – le peuple de l’époque n’est pas censé connaitre grand-chose en dehors de sa petite vie -, les structures mythologiques sont les plus adaptées. Parce que tu commences à travailler non pas sur des références, mais sur des archétypes. La particularité d’un archétype est qu’il n’a pas besoin d’être expliqué, le simple fait de l’évoquer suffit à réveiller des choses chez l’interlocuteur.

Superhéros Vs réalisme scientifique

Superman est un archétype, il exprime la force, la droiture, la justice, ne serait-ce que par sa posture, son nom inscrit sur son torse au niveau du cœur, etc. Il y a toute une symbolique qui, encore une fois, n’est pas consciente, je pense, chez les créateurs de superhéros. Ça remonte naturellement. C’est ce que les ésotéristes nomment le langage des oiseaux : un langage que l’humanité a su parler à une époque et qui n’est pas le langage que l’on parle au quotidien. Un langage naturel et immédiat.

Les superhéros sont vraiment chargés de cette force mythologique, d’autant qu’ils arrivent à une époque où la science, après avoir beaucoup bercé le XIX et le XXe siècle à coup de grands rêves futuristes, commence à arriver à ses limites : Hiroshima et le traumatisme sous-jacent que cela va créer dans la population. Les deux guerres mondiales ont montré ce que l’on pouvait faire avec de la mécanique, c’est-à-dire des massacres comme l’humanité n’en avait jamais vu.

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Le rêve rationnel scientifique se heurte à l’apocalypse quasiment et ces personnages de superhéros, qui ont de superpouvoirs, qui font mieux que tout le monde, dépassent un peu cette limite spirituelle contre lequel le rationalisme scientifique a buté à cette époque.

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À l’époque, lorsqu’on présente Superman c’est : est-ce que c’est un oiseau, est-ce que c’est un avion ? Non c’est superman. Les oiseaux nous ont permis de rêver en volant, les avions de véritablement voler, mais Superman il est mieux que ça. Il est au-dessus, il est au-delà.

Comic book, le feuilleton sans fin

Et puis bien sûr, ce qui ne va jamais cesser d’être en leur faveur, c’est le système du feuilleton. Le système « feuilletonnant » est un système qui donne la promesse d’une fin au public, que l’histoire va aller quelque part, alors qu’en réalité elle ne fait qu’emprunter des chemins de traverse.

Ces BD de superhéros vont très vite commencer à partir dans tous les sens. Batman et Superman ont tout vécu, toutes les époques, toutes les itérations possibles et imaginables. Ils se sont même foutus sur la gueule au sujet de la bombe atomique.

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Il y a une BD assez chouette des années 70 qui s’appelle Superman contre Wonderwoman, où les deux personnages se défoncent la tronche parce que Superman est du côté du gouvernement, donc pour le projet de développement de la bombe atomique, et Wonderwoman, qui n’est pas une humaine, mais une amazone, ne voit que le danger atomique. Ils en viennent à se foutre sur la tronche et vont même se battre sur la Lune à un moment donné pour éviter de détruire la moitié de la planète dans leur combat (rires). Il y a, entre guillemets, de « grands enjeux » qui se jouent derrière les petites aventures du quotidien.

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Il va y avoir des tas d’itérations et naturellement, elles vont épouser le développement de la culture populaire. Dans les années 60, les grandes enseignes, les grands journaux, les grands studios ne comprennent pas du tout que le pays est en train de changer : il ne voit pas du tout arriver les beatnik (la Beat Generation, NDLR), Berkeley (les contestations étudiantes en 1964, Free speech movement), les manifs anti Vietnam, etc., c’est un truc vraiment sous-jacent au départ, un peu « underground ». Les superhéros vont être les premiers à retranscrire ce changement, signifier que quelque chose est en train de se produire sans que les auteurs en soient forcément conscients.

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